Ce billet est un commentaire approfondi au billet d’Isabelle sur «l’entreprise et les femmes». Effectivement, on évoque souvent les difficultés que peuvent rencontrer les femmes pour trouver un équilibre entre l’entreprise et la vie famille, mais très rarement la position des hommes par rapport à leur famille. C’est pourtant, pour moi, deux choses qui sont profondément liées, j’y reviendrai par la suite.
Personnellement, je travaille en freelance depuis prés de 10 ans et je m’organise de manière à pouvoir m’occuper de mes enfants et de la vie famille quotidiennement. J’accompagne mes enfants à l’école ou dans leurs loisirs et m’occupe régulièrement des courses et de la cuisine. Et il y a des jours où j’ai franchement l’impression de passer pour un extraterrestre ! Cela passe par des détails : Lors de l’inscription à la cantine, on demande à ma femme un justificatif comme quoi elle travaille ; moi, rien … A la sortie de l’école, une mère qui demande à mon fils ce que je fais comme travail, sous-entendu «il est chômage ? le pauvre…», ou de manière plus positive des amies s’adressant à ma femme «Tu as de la chance toi, ton mari est là pour t’aider !»
Pour confirmer, ce que l’on constate facilement, à savoir que les hommes passent plus de temps en entreprise et donc moins en famille, il faut regarder les statistiques de l’INSEE . Chez les cadres la durée de travail est de 1930 heures/annuelles pour les hommes contre 1700 pour les femmes (en temps complet, 230 jours/an). Soit une heure de plus en moyenne par jour pour les hommes.
En France, il y a une pression sociale forte pour rester au travail. Il faut faire acte de présence, «sous surveillance», notamment chez les hommes qui n’ont pas «l’excuse» d’aller chercher les enfants. Accessoirement, cela explique aussi le faible développement du télétravail en France. Cette situation paternaliste ou scolaire est, à ma connaissance, une particularité française. Dans le monde Anglo-saxon ou même en Allemagne, la journée de travail se termine à l’heure dites. Rester tard est signe de lenteur et de désorganisation.
Travailler en Freelance permet d’éviter ces pressions sociales liées à un trop gros attachement affectif à une entreprise. On délimite mieux les deux mondes. Le travail est défini à chaque fois par une mission, un prix et un contrat. Si vous êtes présent dans les locaux d’une entreprise c’est pour une raison donnée, une réunion, une séance de travail. Une fois le travail fini, vous repartez et tout le monde trouve ça normal. Cela me paraît plus sain comme relation.
Les articles parle souvent du «plafond de verre» que les femmes ne peuvent pas franchir en entreprise, mais il faudrait surtout faire descendre les hommes de leur estrade. Déjà, comme se le demande Isabelle, tout le monde n’a pas pour seule ambition de siéger au Comex, même chez les hommes ! La parité dans les entreprises est souvent évoquée pour les salaires et les postes à responsabilité, mais ce n’est que le petit bout de la lorgnette. Il faudrait appliquer la parité, dans les deux sens, à tous les domaines : du congé parental, aux retraites, à la garde des enfants en cas de divorces,…
Par exemple, le congé paternité actuel est ridicule : deux semaines, et encore pas toujours prise. Sur deux semaines, il y en a une consacrée à la garde des enfants pendant que la mère est la maternité avec le nouveau-né, et juste une en suite, pour l’aider quand elle revient à la maison. C’est plus que court ! En Suède ou au Danemark, le congé est d’un an à partager entre la mère et le père avec beaucoup de souplesse. Cela permet au père de s’approprier son rôle, de trouver sa place dans la famille et par rapport à ses enfants. Par la suite, il poursuit naturellement ce rôle et il ne devient pas le papa «qui rentre tard le soir, parce qu’il travaille». Et à partir du moment ou l’équilibre famille/entreprise est respecté pour chacun, j’ai l’impression que l’on résoudrait beaucoup de disparités.
J’ai la chance d’avoir trouvé cet équilibre, mais encore une fois j’ai plus l’impression d’être une exception. Je vois mal, aujourd’hui, comment j’aurai pu faire cela en étant salarié. Bizarrement, il existe de nombreux réseaux de femmes qui se battent pour diverses causes, généralement pour «prendre» la place des hommes dans les entreprises, mais jamais pour «libérer» un peu de place aux hommes dans les familles !
Pour conclure, je vous propose un petit test : proposez à votre conjoint (ou conjointe) de faire «père au foyer» à plein-temps. Voyez sa réaction, imaginez la transition, la réaction des enfants, de l’entourage… J’aimerais bien connaître le résultat !