C’est une question que je me pose depuis un moment ou plus précisément depuis que je plante abondamment des arbres dans mon grand jardin : Comment prendre en compte le dérèglement climatique dans le choix des plantes ? Alors je vais essayer d’expliquer mon raisonnement, c’est pas gagné d’avance.
Zones climatiques
Petites précisions climat, j’habite au pays basque, à 30km de la cote, du coté d’Hasparren. Ça a son importance, parce que si vous êtes dans les 5 à 10km le long de la cote, la probabilité d’avoir des températures négatives est quasi nulle alors que là où je suis, ça arrive même si c’est rare et rarement en dessous de -3° et rarement plus que quelques heures au levé du soleil. Il faut prendre en compte que le pays basque nord à une pluviométrie importante de l’ordre de 1500 mm/an concentré surtout de novembre à avril.
La référence scientifique sur le sujet c’est les zones de rusticité USDA. La cote est en 10a et moi en 9b, limite 9a. Ça donne une idée des températures minimum mais pas forcément des détails. Un gel tardif en avril à -1° pendant quelques heures fera plus de dégâts qu’un -4° en février quand tous les arbres sont en dormance.
Zone 9a | -6,7 à -3,9°C |
Zone 9b | -3,9 à -1,1°C |
Zone 10a | -1,1 à 1,7°C |
Zone 10b | 1,7 à 4,4°C |
Donc, je résume actuellement, le temps c’est beaucoup de flotte en hiver mais aussi un peu en été et ça gèle quelques nuits par hiver, et en début de printemps. Pour les températures maximum, on est un peu à la même enseigne que tout le monde avec des canicules, de l’humidité et mais pas vraiment de sécheresse.
Comment ça va évolué dans les 50 ans à venir ?
Une méthode de prévision simple, c’est de se dire que le climat se déplace de 100km vers le nord tous les 10 ans. Ou de regarder cette carte qui donne le climat dans 60 ans par rapport à une ville similaire aujourd’hui. Globalement, on va gagner deux zones, Bayonne aura un climat proche de celui de la Sicile, de la Louisiane ou du nord de l’argentine. Donc 10a ou 10b.
Sauf que, on parle de dérèglement climatique, donc oui en moyenne il va faire plus chaud, mais ça va être aussi plus chaotique. Ce qui va se traduire par des tempêtes plus fortes, des précipitations plus importantes, mais aussi des bulles de froids polaires qui peuvent descendre plus vers le sud d’où des gels tardifs.
Globalement, le climat passerait d’un climat océanique tempéré vers un climat subtropical humide.
Puis bon ça reste des prévisions qui peuvent varier suivant les scénarios pris en compte.
Maintenant comment on fait ?
C’est bien de savoir, mais comment on peut anticiper ces changements à l’échelle d’un grand jardin ? Déjà, soyons réaliste on ne va pas changer le monde. Donc, ça va se jouer à deux niveaux globalement sur l’ensemble du jardin et individuellement sur le choix des plantes.
Sur l’ensemble du jardin
Il n’y a pas trop de choix, il faut envisager une forêt-jardin. C’est une densité d’arbre et de buisson qui vont former une canopée et des couches en dessous comme dans une forêt. Le concept a déjà été largement expliqué et mis en œuvre donc je ne vais pas revenir dessus.
La conséquence de ce choix c’est qu’il va falloir planter les arbres de manière à ce qu’ils se touchent, voir se superposent quand ils arriveront à leurs tailles « maximums ». Il faut donc que la densité d’arbres soit plus importante que dans un verger normal où l’on plus chercher à donner un espace optimal à chacun.
Dans une forêt, il faut aussi jouer sur la diversité, donc on oublie de planter en rang d’oignon la même variété et on pense en trois dimensions pour dans 10 ou 20 ans. Ça fait une petite gymnastique intellectuelle intéressante, mais il ne faut pas hésiter
Sur le choix des plantes
C’est là que ça devient plus délicat. Il faut trouver des plantes qui vont mieux résister aux aléas sans pour autant tout changer, donc on va aussi garder des variétés adaptées au climat actuel. Le but de c’est d’avoir des plantes entre climat océanique et climat subtropical humide.
Dans dans les variétés que j’ai planté en prévision d’une augmentation des températures :
- Des bananiers fruitiers avec des variétés qui résistent bien au gel, même si la production de banane va être dépendantes des gels. Sachant qu’il faut 18 mois sans gros gels pour avoir des bananes, dans 10 ans ça devrait le faire.
- Des théiers, bien adaptés pour un climat chaud et humide. Plusieurs producteurs de thé se sont implantés sur le pays basque récemment.
- Des nashis, poirier japonais, qui supportent bien à la chaleur sèche ou humide. C’est ce qui a le mieux résisté à la sécheresse de 2022.
- Des oliviers de différentes variétés rustiques, même si ils vont probablement avoir trop d’eau, ils ne devraient pas en souffrir.
- Des pistachiers, bah parce que !
- Des plaqueminiers, ça pousse déjà bien dans la région.
- Des agrumes en masses ! Il faut bien choisir le porte greffe en fonction du sol et de la rusticité. Typiquement, les agrumes ont besoins d’eau et de chaleur, donc c’est parfait. En plus, il sont à maturité en hiver quand les autres fruitiers sont en dormance.
- Des grenadiers, c’est encore rare mais j’en ai croisé des énormes.
- Des avocatiers, à partir des noyaux ou greffé, par contre ça n’aime pas trop le gel en moyenne sauf quelques variétés plus rustiques. Là encore, je fais le paris d’un gros besoin d’eau et de chaleur. Ça pousse déjà largement en Espagne, voir un peu trop avec un début de guerre de l’eau.
Mais aussi pour participer à la canopé : un albizia, un magnolia, des chênes lièges et verts.
Et toujours des figuiers, des pêchers, des pruniers, des cerisiers, de la vignes, des kiwis, des pommiers, des poiriers, des cognassiers, des noisetiers, des châtaigniers qui sont classiques dans la région.
Sources
https://fitzlab.shinyapps.io/cityapp/
https://www.plantmaps.com/interactive-italy-plant-hardiness-zone-map-celsius.php