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Un peu de tout

Le phénomène de migration de Paris vers les régions

Reprenons ce sujet sur l’arrivée « massive » de Francilien dans les régions. Déjà c’est un sujet qui a plusieurs composantes :

  • Une question de classes sociales
  • Une question de générations
  • Une question de résidences secondaires

C’est une problématique qui n’est pas nouvelle, mais qui s’est fortement accélérée avec la crise Covid.

Le problème de classes sociales : Il faut bien comprendre que choisir son ou ses lieux d’habitation est un privilège des classes sociales moyennes à supérieurs. Sinon vous essayez simplement de trouver un lieu d’habitation au plus proche d’où vous travaillez qui rentre dans votre budget, c’est-à-dire « loin » dans la majorité des cas. Pour pouvoir choisir son lieu d’habitation et de travail, il faut en avoir les moyens financiers, intellectuels et donc le métier qui va bien.

Le problème de générations : la génération des boomers née avant 1970 a eu une carrière sans accros et a pu acheter des biens immobiliers tôt dans leurs vies, puis acheter d’autres biens immobiliers soit pour les louer soit en tant que résidences secondaires. Les générations nées à partir de 1970 sont arrivées sur un marché du travail dégradé, avec des prix de l’immobilier, notamment en région parisienne puis partout, qui ont commencé à croitre de manière exponentielle à partir de 1995. En résumé si vous n’aviez pas acheté un premier logement entre 1995 et 1998, il a fallu patienter aux moins dix ans pour espérer pouvoir acheter et pendant ce temps-là vous louiez à l’autre génération. Donc vous vous retrouvez avec un niveau de vie inférieur à celui de vos parents au même âge ce qui n’était pas arrivé depuis… la révolution ? La génération des boomers vivant aux dépens des générations suivantes.

Le problème des résidences secondaires : Les zones touristiques sont les plus concernées. Il faut par exemple voir qu’une ville comme Biarritz à perdu 20 % de ces habitants passant 25 000 à 20 000 au cours des deux dernières décennies. On a donc dans ces zones un taux de résidences secondaires qui dépasse souvent 50% des habitations voir 80 à 90% dans certaines zones côtières de Bretagne. Les variations fortes de population créent de nombreux problèmes sociaux et environnementaux. Les prix en bord de mer sont ceux du marché parisien voir plus, approchant les 10 000€ m2. Les résidents locaux se retrouvent à devoir se loger loin de la côte, souvent à 30 ou 45 minutes de voitures, car bien sûr les transports en commun ne sont pas dimensionnés et on se retrouve avec des points de blocages aux entrées des agglomérations côtières.

Le phénomène de migration de Paris vers les régions n’est pas nouveau. Il a débuté avec l’augmentation des prix de l’immobilier parisiens dans les années 2000, c’est accéléré gentiment, mais surement depuis en suivant, voir en anticipant l’ouverture des lignes TGVs. Des agglomérations comme Bordeaux, Nantes, Rennes, Marseille ont vu leurs populations augmenter et changer. Si on prend l’exemple de Bordeaux, après un creux dans la population dans les années 90, la population n’a cessé d’augmenter avec une prépondérance pour les « cadres et professions intellectuelles supérieures ». [https://www.insee.fr/fr/statistiques/2011101?geo=COM-33063] Depuis quelques années les infrastructures bordelaises sont surchargées avec des embouteillages quotidiens et une forte gentrification des quartiers périphériques.

Sur des zones comme le Pays basque, de plus en plus de cadres, d’entreprises travaillant dans l’informatique se sont installées tout en faisant des déplacements réguliers sur Paris. Pour les entreprises, ça permet de recruter sur place, sur les métiers qui sont tendus et dont les salaires parisiens s’envolent. Mais on se retrouve avec une double combinaison de résidences secondaires de boomers et de cadres qui sont présents, s’installent ou se réinstallent sur la région, en particulier la côte augmentant d’autant les tensions.
En face, on a une population locale jeune ou moins jeune avec des enfants qui n’arrivent pas à se loger correctement avec un salaire autour de médiane des salaires. Concrètement d’un côté les primo-accédants locaux ont un budget de l’ordre de 250000 € maximum et de l’autre des primo-accédants ou pas avec un budget supérieur à 300 000€ voir beaucoup plus.

Avec le Covid, les choses se sont accélérées. Lors de la 1ère vague, nombre de citadins sont venus se confiner dans leur résidence secondaire ou ont loué une maison, un appartement en bord de mer. Dès l’été dernier, certains ont décidé de déménager en région. Dans mes connaissances, 30% des gens ont déménagé ou ont pris la décision de le faire dans un délai court. Les agents immobiliers se sont soudainement retrouvés submergés de travail et tous les biens invendus depuis des lustres ont finalement trouvé preneur. Les prix ont augmenté 15 à 20 % sur certains secteurs de la côte comme à Hendaye, sur des prix déjà hauts au départ. Pour donner un exemple concret, une maison mitoyenne de 3 chambres bien placée dans Anglet est passée en 2 ans de 275 000 € à 400 000 €. Par effet de propagation, les prix ont augmenté dans le Pays basque intérieur. Donc globalement, si tu veux gagner 20 min de temps de transport tous les jours, tu payes 20% de plus au minimum.

Résultat : Les inégalités sociales augmentent, les tensions aussi. On observe de plus en plus d’actions contre les agences immobilières, même si elles ne sont que le maillon visible du problème. Des actions légales aussi contre certaines ventes de terres agricoles quand c’est possible.

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